Quand on parle de « clinique » en psychologie, beaucoup pensent à l’hôpital, au médecin qui ausculte son patient, ou encore aux protocoles de soins standardisés. D’autres utilisent « clinicien » comme un mot-valise, pour désigner toute personne qui fait des entretiens dans une clinique ou un centre médico-psychologique.

Or, être clinicien n’a rien à voir avec le lieu où l’on travaille. Ce n’est pas « travailler en clinique » : c’est adopter une posture clinique, une façon très particulière d’écouter et de rencontrer l’autre.

La clinique, du grec klinè (« lit ») et klinô (« se pencher »), évoque littéralement le geste de se pencher vers celui qui est allongé, en difficulté. Mais en psychologie, ce geste prend un sens plus large : il ne s’agit pas seulement de constater des symptômes, mais d’écouter un sujet parlant, quelqu’un qui exprime sa souffrance, ses doutes, ses contradictions, sa manière unique de vivre une situation.

En ce sens, la clinique dépasse l’idée de « faire un diagnostic » ou de « trouver la bonne case ». Elle suppose un espace où la parole du patient est entendue comme un acte, qui a toujours plus de valeur que de simples informations objectives. Là où la médecine demande « quels sont vos symptômes ? », la clinique psychologique interroge : « Que vous arrive-t-il, à vous ? Comment le vivez-vous ? ».


1) Ce que la clinique change concrètement

La clinique (au sens psychologique) n’est pas un décor ni un lieu : c’est une position et une éthique.

L’étymologie éclaire cette position : être clinicien, c’est se demander « qu’est-ce qui me pousse à me pencher sur ce dire, sur ce mot, sur cette souffrance, dans son unicité ? »

a) Une position

  • Vous d’abord : votre vécu prime sur la conformité à une grille diagnostique.

  • Le singulier avant la moyenne : un évènement n’a pas de valeur traumatique en soi ; chacun le vit de façon différente. Ce qui semble anodin pour l’un peut être bouleversant pour un autre.

b) Une méthode

  • L’enquête par la parole : on écoute comment vous racontez, pas seulement ce que vous racontez.

  • Des hypothèses révisables : rien n’est figé d’avance, nous avançons à votre rythme en fonction de ce que vous traversez.

  • Le temps compte : la souffrance évolue ; la compréhension aussi. La clinique respecte cette temporalité.

c) Une éthique

  • Confidentialité et tact : tout ne se dit pas n’importe comment, ni n’importe quand.

  • Pas de réduction : vous n’êtes pas un symptôme ni un cas clinique.

  • Responsabilité partagée : nous construisons votre thérapie ensemble, sur mesure.

2) Sémiologie ≠ clinique : le renversement dialectique

La sémiologie cherche des signes pour placer un diagnostic dans une catégorie.
La clinique, elle, part d’une demande et d’un dire : « qu’est-ce qui vous arrive, à vous ? Pourquoi vivre cela est-il difficile pour vous ? »

Ce déplacement n’abolit pas le diagnostic quand il est nécessaire ; il le relativise et le recontextualise : un mot (dépression, anxiété, trauma…) n’explique rien sans votre histoire.

Voilà le renversement dialectique : les mots ne servent pas seulement à indiquer quelque chose (information), ils font quelque chose (acte).
La clinique prend au sérieux ce pouvoir des mots et leur valeur singulière, là où la sémiologie cherche à les classer.

3) Le cœur du travail du psychologue clinicien

Comment sait-on qu’un psychologue est un clinicien ?

  • Il accueille une demande, pas seulement un motif.

    « Je dors mal », « je n’arrive pas à m’endormir », « je ne dors plus », « je suis fatigué de mes journées » : ces phrases ne disent pas la même chose. Être clinicien, c’est explorer l’écart entre elles, et comprendre en quoi cela fait souffrance pour vous, de façon unique.

  • Il écoute la forme du dire.

    Les hésitations, les répétitions, les silences sont des indications précieuses, pas des erreurs à corriger.

  • Il formule des hypothèses… puis les vérifie avec vous.

    Pas de protocole appliqué d’office : tout est ajusté au fil des rencontres.

  • Il travaille la temporalité.

    Ce qui fait souffrir aujourd’hui a une histoire. On relie, on décale, on resitue tout cela ensemble.

  • Il vise le sujet, pas la performance.

    L’objectif n’est pas seulement « moins de symptômes en une semaine », mais plus de liberté et de sérénité face à eux.

  • Il coordonne si nécessaire, mais sans vous déposséder.

    Médical, social, scolaire : oui, mais toujours avec votre accord, et depuis ce qui s’élabore en séance.

4) Ce que n’es pas la clinique

  • Elle ne confond pas bilan et vérité du sujet : un test décrit des fonctions, pas une personne.

  • Elle ne promet pas des résultats « garantis en 6 séances » : aucun remède n’est miracle. Une thérapie ne peut porter ses fruits sans le consentement du patient. De la même manière qu’une ordonnance médicale ne sera d’aucune utilité si le patient ne désire pas prendre son traitement.

  • Elle ne plaque pas une technique toute faite : les outils restent au service du patient — jamais l’inverse.

5) « D’accord, mais une séance, ça ressemble à quoi ? »

1. Point d’appui : ce qui vous amène (précis ou diffus : « ça ne va pas » suffit).

2. Mise en mots : chercher ses mots, laisser venir les associations, prendre le temps.

3. Mise au travail : repérer des nœuds récurrents, des impasses, des évitements.

4. Ajustements : fréquence et durée définies ensemble ; outils complémentaires si cela s’avère pertinent.

5. Boussoles : moins « que faire ? » que « qu’est-ce que cela me fait ? » — pour retrouver de la prise sur sa vie.

6) À quoi cela sert, pour vous ?

  • Comprendre ce que vous vivez, pas seulement le nommer médicalement.

  • Défaire des répétitions qui vous enferment.

  • Retrouver du choix là où tout semblait contraint.

  • Habiter autrement vos liens, votre travail, votre histoire.

7) Clinicien ≠ travailler en clinique

  • Travailler en clinique : c’est un lieu d’exercice, partagé par des médecins, infirmiers, psychologues, etc.

  • Être clinicien : c’est une posture, une manière d’accueillir la parole et la souffrance singulière.

On peut être infirmier, psychiatre, psychologue, travailler « en clinique » sans être clinicien. Et inversement, on peut être psychologue clinicien en libéral, à l’hôpital ou ailleurs.

Ce qui fait la différence, ce n’est donc pas l’adresse du cabinet, mais la place donnée à votre parole.

Envie d’aller plus loin ?

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  • Prenez un premier rendez-vous : que ce soit au téléphone ou en cabinet, il sert à vérifier si cette approche vous convient, à poser vos questions et à construire ensemble les bases de votre suivi.